Écrire à 4 mains

Aujourd’hui, j’avais envie de faire un petit retour sur l’écriture à 4 mains (que je pratique bien trop intensément avec ma Louve Errante). À chaque fois que j’assiste à des tables rondes, ou que je lis des articles ou regarde des vlogs sur le sujet, il s’agit très souvent d’auteurs·rices très organisés·es, avec un scénario détaillé, des auteurs·rices capables d’écrire tous les personnages, et un fonctionnement presque millimétré. Autrement dit, quelque chose dans lequel je ne me reconnais pas du tout (du tout). Donc, cette fois, j’ai décidé de vous expliquer comment nous, on fonctionne [et Louve commente en italique]. Histoire de montrer que tout est possible !

Bien sûr, ce qui suit ne sera pas une recette miracle. Parce que ça n’existe pas (et ceux·celles qui vous disent l’inverse sont des menteurs·ses). Hé oui, chaque auteur·rice est différent·e, et très logiquement chaque duo le sera aussi. Ce qui fonctionne chez certains·es ne fonctionnera pas obligatoirement chez les autres.

Une question de compatibilité

Louve et moi sommes relativement compatibles du point de vue de l’écriture. On a les mêmes attentes vis-à-vis d’un texte (les personnages d’abord) et le même fonctionnement (jardinières forever, et des personnages vivants). Et je pense que ce sont deux points très importants : sans cela, on passerait sans doute bien plus de temps à nous disputer ou à nous retrouver frustrées qu’à prendre du plaisir à écrire.

Reprenons en détail. Déjà, les personnages d’abord. Pour nous, l’intrigue et le monde sont intéressants, mais ils viennent toujours en second plan. Ce qui nous intéresse, c’est les personnages, ce qu’ils subissent et surtout comment ils s’en relèvent. [Et les liens qu’ils vont tisser entre eux, aussi. Moi, ce qui m’éclate, c’est d’observer comment mes personnages vont forger leur relation avec ceux de Karine, et inversement.] Ce sont eux les moteurs de l’intrigue, jamais l’inverse.

Ensuite, jardinières forever. Là, pas de secrets : on ne sait pas faire de plan ni d’intrigue détaillée, et on construit tout au fur et à mesure. Toute ébauche de plan est destinée à mourir au premier chapitre (ou à la première scène). [À la première scène, totalement !]

En enfin, le point le plus « gênant » : des personnages vivants. On fait partie de ces auteurs·rices qui n’ont aucun contrôle sur nos personnages. Ils poppent dans nos têtes avec toutes leurs caractéristiques, nous racontent leur histoire [pas toujours dans le bon ordre, ou au bon moment] et nous regardent d’un air pas concerné lorsqu’on essaye de changer un truc. Bref, ils se comportent à peu près comme s’ils avaient des existences propres (on sait, c’est bizarre, mais c’est quand même le cas). On est incapable de créer un personnage « outil », ou qui aura telle ou telle caractéristique précise. Non, on a un package global qu’on doit apprivoiser au fur et à mesure. Concrètement, ça veut dire qu’on a chacun nos personnages… et qu’on ne peut pas échanger. Je maitrise mes personnages, très mal ceux de Louve, et vice-versa. Je peux dire qu’une action ou une réplique me semble étrange, mais ça ne va pas plus loin. Je n’arrive pas à savoir leurs réactions face à tel ou tel évènement, ou la réplique qu’ils vont sortir dans un dialogue, et ne parlons même pas d’écrire une scène de leur point de vue. [Pourtant, nous écrivons avec certains de ces personnages depuis plus de deux ans, et nous avons totalisé sans doute pas loin de 3 millions de signes avec eux.] Résultat, on est obligé d’écrire en même temps pour avoir les réactions de tout le monde en direct, et on ne peut pas avancer si l’une de nous est absente.

Image décorative : un jardin très chargé en espèces végétales, contenante une pagode japonisante.
Personnages, allégorie. Pour avoir la pagode, il faut aussi prendre tout ce qui l’entoure !

OK, mais en pratique ?

En pratique ? C’est un peu le bordel.

Notre outil de travail principal, c’est un Google Doc (bon, d’accord, plusieurs Google Docs) sur lequel nous sommes toutes les deux connectées.

La créatrice (ou possesseuse) du personnage dont on suit le point de vue s’occupe de l’écriture de la scène. Mettons que ce soit moi.

On se met d’accord ensemble sur les péripéties externes [vaguement], et je commence la rédaction proprement dite. J’écris les actions de mes personnages, pendant que Louve m’indique les (ré)actions des siens en direct live, et je les intègre au fur et à mesure. Idem pour les dialogues.

Tout cela est aussi entremêlé de discussions à base de « à ton avis, vaut mieux faire quoi ? », de « euh, si tu dis ça, mon perso va faire ça, et donc ça va pas aller où on veut / ah merde », de « attends, ça c’est pas logique » et de brainstorming sur des points de détail qui peuvent durer longtemps [et dont on se servira peut-être même pas XD]. Et tout ça s’entrecroise dans le plus beau des bordels. Bref, notre document ne ressemble pas forcément à grand-chose (voir la preuve en image ci-dessous) . Mais on finit toujours par s’en dépatouiller !

Fichier texte annoté pour montrer notre fonctionnement et la manière dont les indications et réponses de ma co-autrice sont réintégrés à la narration de la scène au fur et à mesure.
Bon, là, on est encore sages et on reste concentré sur leur dialogue. Souvent, c’est pire !

En conclusion

Il n’y a pas qu’une seule façon d’écrire à 4 mains. Il n’y a pas besoin d’être architecte, ou super organisé. Il faut juste trouver la solution qui vous convient ! Et surtout, n’oubliez pas de vous amuser !

Cet article a 2 commentaires

  1. Rousseau Natacha

    Très sympa cet article ! Ça m’a amusée de vous que Rochel et moi fonctionnons exactement comme vous lorsqu’il s’agit de passer à la rédaction ! (par contre on est clairement architectes : le scénario est prévu à l’avance. Même si, j’avoue, ça nous arrive souvent de faire des modifs en cours de route !)

    1. Karine R.

      Ahh, il faut de tout pour faire un monde, même des architectes ! XD
      Mais c’est vrai, c’est toujours intéressant de tomber sur des personnes qui fonctionnent comme nous !

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